Critique : Little gay boy (Antony Hickling) (2015)
Synopsis : Un adolescent tourmenté par les activités douteuses de sa mère et l’absence de son père depuis son plus jeune âge, expérimente sa sexualité tout en recherchant son identité. Un jour, il rencontre enfin son géniteur. Le jeune homme doit alors se libérer de ses démons du passé.
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Après la réalisation de plusieurs courts métrages concernant l’émancipation de l’homosexualité, Anthony Hickling décide d’assembler le tout dans un triptyque narratif relatant la conception, la naissance et la vie d’un jeune gay. Surréaliste sur les bords, nous suivons la vie d’une prostituée stérile au physique corpulent (complexée de surcroît) rencontrant, au cours de ses aventures sur le trottoir, une femme lui confiant une étrange nouvelle : Celle ci a été choisi par Dieu pour porter son enfant dénommé Queer (référence à la théorie de Queer s’opposant à l’orientation sexuelle prédéterminée en fonction du sexe biologique).
Cette première partie esquisse déjà la marginalité exploitée par Anthony Hickling au travers de cette femme au physique atypique dans son quotidien morose déclarant ses monologues au spectateur. Bien qu’essentiel, cette partie n’est cependant pas la plus intéressante. Viens ensuite la naissance de Jean-Christophe, notre jeune gay dont les initiales J.C se référent explicitement au Christ. Un aspect expérimental se dévoile par de nombreuses performances artistiques entrecoupant la narration et imageant certaines métaphores.
Et si Jésus-Christ était gay ? Se questionne le réalisateur. Semblable à son douloureux calvaire sur la croix, Jean-Christophe est constamment humilié par les autres pour sa différence. Son quotidien parsemé d’inceste forcé par sa mère frustrée l’incite à rechercher l’épanouissement, et pour cela il se lance à la recherche de son père : Dieu. Mais plus que cela, cet homme se trouvant être Dieu incarne une figure paternelle (et donc libératrice) pour ce jeune homosexuel.
Malgré une subversion dans la représentation de certaines images et situations, Little gay boy emprunte le chemin de l’absurde et aborde ses sujets essentiels avec une légèreté totalement loufoque. Outre quelques maladresses probablement issues du découpage technique, l’univers de cette œuvre possède une personnalité atypique (parfois inspirée de Jodorowsky) pouvant étrangement se rapprocher d’un cartoon. Surjoué, théâtrale, le traitement féerique transcende en quelque sorte le malaise apparent surplombé par un esthétisme somptueux.
Les deux dernières parties de ce triptyque se concilient de façons assez logiques, tandis que Jean-Christophe s’essaye à diverses expériences (bravo à Amaury Grisel pour le travail sur les parties SM) autant corporelles que spirituelles dans la recherche de soi-même. Ce parcours initiatique déroutant trouve son apogée dans la délicieuse farce finale parodiant la Cène du Christ et de ses apôtres. Blasphématoire, iconoclaste et toujours délicieusement absurde, si Little gay boy souffre de quelques raccourcis et incohérences scénaristiques apparents, il n’en demeure pas moins un film particulier et surtout unique qui se doit d’être vu.
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