Critique : The Human centipede 2: Full sequence (2011) (Tom Six)
Synopsis : Martin, quarantenaire déficient mental et indubitablement psychopathe, développe une obsession pour le film d’horreur The Human Centipede, où un docteur fou opère ses victimes pour les assembler en un mille-pattes de chair et de sang. Il décide alors d’enlever des gens au hasard pour les séquestrer et tenter l’expérience à sa manière en les utilisant comme cobayes.
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Souvenez-vous. C’était en 2009. Le monde entier découvrait les yeux écarquillés et la bave aux lèvres une idée de scénario complètement barrée toute droit sortie de l’esprit malade de Tom Six, réalisateur néerlandais biberonné au cinéma trash et bien décidé à foutre un énorme coup de pied dans la fourmilière du cinéma de genre. Le concept était simple : un docteur totalement barré pour trois cobayes non-consentants, reliés chacun par leurs tubes digestifs, la bouche cousue à l’anus. Le premier mille-pattes humain de l’Histoire, une expérience certes éprouvante mais médicalement viable. Les internautes réagirent en masse et le buzz fit son chemin jusqu’à la sortie du long métrage, qui réussit malgré tout à surprendre les spectateurs en contournant leurs attentes. En effet, The Human centipede : first sequence misait plus sur son huis-clos bien construit et sur son sens du suspense que sur ses débordements graphiques quasiment inexistants. Loin d’être un film gore, le long-métrage s’attachait à décrire en détail les balbutiements de l’expérience et offrait un cadre réaliste pour rendre son projet crédible. Dieter Laser y campait également un docteur sadique réellement inquiétant, sorte de Josef Mengele des temps modernes, tout en sadisme et en retenue. Le postulat de base digéré, qu’attendre de plus d’une telle expérimentation si ce n’est un développement de l’idée maîtresse jusqu’à son paroxysme ? Deux ans plus tard, The Human centipede : full sequence nous offre cette évolution et améliore le concept de base en le plaçant dans un tout autre contexte, plus brut et plus malsain.
Tom Six nous avait prévenu : les séquelles de son Human centipede seront bien plus hardcore que ce dernier. Si le résultat est assez mitigé pour le troisième opus, force est de constater que le bougre n’y est pas allé de main morte pour ce second effort. Non seulement le film est bien plus sale et graphique, mais il jouit également d’une aura malsaine et dérangeante inhérente à son synopsis. Ce ne sont désormais plus trois personnes mais bien douze qui participeront bouche contre cul à cette chenille dégénérée, vibrant hommage d’un esprit dérangé à son œuvre fétiche. En outre, le réalisateur imagine une mise en abîme hautement perverse qui synthétise avec maestria les craintes d’une frange de la population prompte à croire que les films d’horreur poussent des esprits faibles à passer à l’acte. Ici, c’est l’obsession du personnage principal pour Human centipede qui le pousse à kidnapper et à charcuter son prochain. Tom Six joue donc avec les peurs de chacun et s’en sert pour dépasser les limites de l’obscène. Viol au fil barbelé, relents d’inceste, mutilations au marteau ou à la pince coupante et épopées scatologiques s’enchaînent, le tout sans vraiment de recul et de manière assez gratuite, la forme offensive et brutale du film annihilant tout sous-texte pour se concentrer sur l’essentiel : choquer et marquer les spectateurs en leur servant sur un plateau le côté obscur de l’être humain dans tout ce qu’il a de plus glauque et de plus primaire. Le réalisateur nous dépeint le quotidien sordide d’un homme prisonnier de ses pulsions et de sa maladie qui s’épanouit en humiliant ses victimes et en s’infligeant lui-même des sévices, comme en témoigne cette scène douloureuse où le personnage principal se masturbe avec du papier de verre. L’accomplissement du mille-pattes apparaît alors comme une gigantesque fantaisie sexuelle, ultime fantasme d’un fétichiste poisseux qui considèrerait l’humain comme de la matière qu’on pourrait assembler et souiller à loisir.
Il est inutile de préciser que ce film ne s’adresse pas à tous publics. Beaucoup y verront un exercice choc vain et ampoulé qui trahit la décadence morale de son auteur et dont la seule finalité est de faire gerber l’audience. Sur ce seul et dernier point, il est difficile de leur donner tort. Tout le film est construit de manière à dégoûter le spectateur éventuel ou de rassasier les esprits sadiques en leur fournissant des doses régulières de fluides corporels en intraveineuse. Là où le premier opus de la saga nous offrait un suspense parfois prenant, notamment lors de sa dernière partie où les malheureuses victimes étaient proches de leur délivrance et tentaient de fuir leur destin de cobayes, le second volet nous présente les kidnappés comme des morceaux de chair qui hurlent. Même les rebondissements qui précèdent l’épilogue ne parviennent pas à instaurer une tension similaire à celle du Human centipede premier du nom, car leur statut de victimes désignées annule automatiquement toute forme d’empathie ou d’attachement à leur égard. Le seul acteur qui tire réellement son épingle du jeu, c’est bien évidemment Laurence R. Harvey. Son physique atypique et son jeu tantôt sérieux, tantôt grandiloquent, donnent de la matière à son personnage d’attardé sadique et injecte un peu plus de réalisme dans ses actes. N’ayant pas de connaissance en médecine, Martin construit son mille-pattes à l’artisanale, à grands coups d’agrafeuse, rendant la situation encore moins sécurisante, les victimes étant soumises à quelqu’un qui ne se maîtrise pas et qui comprend à peine ce qu’il essaie d’entreprendre. La réalisation est quant à elle un succès, l’aspect visuel étant même un peu plus travaillé qu’auparavant, avec un noir et blanc qui peut paraître frustrant de prime abord mais qui confère un aspect underground réjouissant au long métrage, tout en rendant l’ambiance parfois encore plus poisseuse.
Il est assez difficile de noter ce second volet de la saga désormais culte de Tom Six. D’un point de vue cinématographique, le film est plutôt réussi et fait partie de l’école moderne des films crades et subversifs sur le fond mais soignés sur la forme. Le film ne bénéficie plus de l’effet de surprise de son turbulent prédécesseur mais compense cette perte en inscrivant ses péripéties dans un cadre beaucoup plus propice aux débordements attendus par les spectateurs de la première heure. En d’autres termes : Tom Six en donne aux fans et aux amateurs de cinéma choc pour leur argent. Tel un August underground mordum, Human centipede 2 utilise le postulat de base de son premier volet en le boostant efficacement grâce à des scènes chocs marquantes et une ambiance glauque à couper au couteau. Il perd ainsi en finesse mais gagne également en efficacité. Le réalisateur inscrit donc ses deux premiers films dans une logique complémentaire : ceux qui veulent s’initier au concept et goûter à la folie de son auteur se tourneront vers la première séquence, tandis que ceux qui désirent plonger un peu plus dans l’abîme et assister à un spectacle beaucoup plus corsé préfèreront la séquence « complète », plus sérieuse et plus sombre que les deux autres volets réunis. Les autres attendront patiemment un nouvel effort de Mr. Six, par pure curiosité malsaine, ne serait-ce que pour vérifier si ce dernier est capable d’inscrire ses débordements vicieux dans une histoire plus complexe et un peu plus réfléchie.
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